Cet été Running Solutions vous propose de petits cas cliniques en course à pied (CAP).
Le fil conducteur sera "le coureur et l'imagerie médicale".
Marie a 30 ans. Elle pratique la course à pied sur route depuis son adolescence. Elle participe à deux ou trois semi-marathons chaque année, le dernier date de 4 mois. Elle n’a jamais été blessée et en particulier n’a jamais présenté de traumatisme du genou.
Elle a marché une quinzaine de kilomètres par jour durant un city trip à New York, dont beaucoup de piétinements sur place pour faire les boutiques. A son retour, elle a présenté des gonalgies antérieures avec des douleurs en descendant les escaliers, mais le genou n’a jamais gonflé. Son médecin lui prescrit un arthroscanner du genou. Celui-ci révèle une lésion chondrale du plateau tibial externe avec légère condensation osseuse sous-chondrale. (Images ci-dessous. Flèche bleue)
Après une semaine, les douleurs ayant totalement disparus, Marie reprend la course à pied progressivement et atteint son volume de base, à savoir 3 x 12km par semaine sans le moindre souci. Mais, inquiète des images du scanner, elle nous consulte.
Lors de la consultation Marie ne présente plus de douleur. Le genou est stable, ne présente pas de gonflement. Il n’y a pas de trouble de l’axe des membres inférieurs. Les amplitudes articulaires sont normales. Le testing analytique des tendons et des ménisques est normal. La palpation de la facette médiale de la rotule est sensible.
Alors, CAP ou pas CAP ?
Marie doit-elle s’inquiéter de l’image du scanner et surtout peut-elle poursuivre la course à pied sans risque de développer de l’arthrose dans son genou ? Ne devrait-elle pas se contenter de vélo et natation ?
Différents éléments dans l’anamnèse de Marie nous rassurent. Le genou de Marie n’a pas gonflé, elle ne décrit pas de raideur articulaire au démarrage et elle a pu reprendre rapidement son programme habituel de course à pied. Par ailleurs la gonalgie antérieure et la palpation douloureuse de la facette médiale de la rotule évoquent davantage un syndrome fémoropatellaire (1). Ce syndrome, désormais appelé douleur fémoropatellaire, a probablement été déclenché par les longues journées de marche à New York exacerbé par le long trajet en avion pour rejoindre l’Europe.
Concernant l’imagerie, Culvenor et al. (2) ont montré dans une revue systématique et méta-analyse en 2019 que l’on découvre des lésions du cartilage du genou chez 11% de personnes asymptomatiques de moins de 40 ans. Ce chiffre monte à 43% chez les plus de 40 ans.
Qu’en est-il de l’évolution de la lésion de Marie, et en particulier la course est-elle déconseillée ?
Esculier et al. (3) ont mis en lumière dans leur revue systématique de 2021 que la course à pied est directement suivie d’une diminution d’épaisseur du cartilage articulaire provisoire. Dans la plupart des cas cette diminution est compensée dans les 24 heures. Ceci correspond à un flux d’eau sortant puis entrant dans le cartilage. Chez le patient arthrosique, ce recouvrement se passe également mais de manière plus lente.
A plus long terme, la course à pied semble favorable à la santé de nos articulations. Une étude de 2017 (4) a montré que seulement 3.5% des coureurs amateurs développent de l’arthrose au niveau du genou et de la hanche contre 10.5 % chez les sédentaires. Nous vous renvoyons à l’article que nous avons publié à ce sujet : « La course à pied n'est pas mauvaise pour les articulations ».
Encore plus intéressant dans le cas de Marie, Une étude de 2018 (4) a montré que la course à pied n’augmente pas la progression d’arthrose de genou de coureurs de plus de 50 ans sur une période de quatre ans.
Que va-t-on proposer à Marie ?
La pratique du jogging est bien évidemment autorisée dans la mesure où il n’y a pas de symptôme (douleur, gonflement, raideur). Elle sera attentive à l’apparition éventuelle de douleurs mais au même titre que n’importe quel autre coureur. Une douleur de 2 à 3/10 qui ne change pas le patron de course sera autorisée si elle n’excède pas une heure après la pratique. L’apparition d’un gonflement après l’effort signifiera une augmentation de charge trop importante par rapport aux capacités d’adaptation du genou. On conseillera à Marie de planifier correctement toute augmentation de volume de course à pied.
Moralité :
L'anamnèse et l'examen clinique sont prépondérants.
Beaucoup d'imageries "pathologiques" sont observées chez des sujets asymptomatiques.
L'imagerie n'est utile que si elle permet d'éclairer le diagnostic ou adapter le traitement.
Et enfin, on ne soigne pas des images, mais des patients.
Cette leçon vaut bien un jogging, sans doute ! (5)
Bibliographie :