Caractéristiques de la chaussure de jogging

Les caractéristiques de la chaussure de jogging

Dr Hervé Auquier

La chaussure de jogging est par définition l'outil de travail du joggeur. Le choix dans le commerce est énorme et il est souvent difficile de s'y retrouver.


Chaque chaussure a ses propres particularités et donc ses propres avantages mais aussi ses propres défauts. La chaussure "universelle" qui conviendrait à tout le monde n'existe pas.


Parmi les particularités importantes, nous retenons le poids, le drop, la stabilité, l'amorti, le dynamisme et la semelle.


Amortir ou pas ?


La plupart des semelles ont une structure principale en EVA (Ethylene vinyl acetate) et/ou en polyuréthane dans diverses proportions et diverses formes et d'épaisseur variable d'un modèle à l'autre.

Certains modèles y associent soit des structures  alvéolaires d’air, des logettes en gel ou des lamelles externes amortissantes.


Au plus la semelle est épaisse, au plus elle est amortissante. Ceci est sensé amortir les chocs au niveau articulaire. Cependant rien n'est prouvé scientifiquement. Au plus l'amorti est important au plus la chaussure va perdre en dynamisme.


Tout est une question de choix et de confort personnel, de type de foulée, de durée de la sortie jogging et de niveau de course à pied.


A priori un coureur ou une coureuse en surpoids ne doit pas forcement favoriser un amorti important. Il semble qu'intuitivement ce coureur aura une foulée qui trouvera l'amorti suffisant dans ses articulations.


Un amortissement plus important sera davantage utile  suite à des pathologies articulaires (sous-talaire, talo-crurale, genou, colonne lombaire) chez les coureurs qui ont une attaque talon franche. Mais dans ces cas précis et selon leur importance, on favorisera davantage un passage en foulée antérieure qu'une chaussure très amortissante.

NIKE - Air Max 270

Coussin d'air

ASICS - Gel Pulse 8

Logette de gel

ON - Cloudflow

Lames en caoutchouc

Qu'est-ce que le drop de la chaussure ?


Le drop, est la différence d’épaisseur de la semelle entre le talon et l’avant-pied. Plus le drop est élevé, plus le talon sera plus haut que l’avant-pied. 


Un drop classique est de l’ordre de 12 à 14 mm.  Un drop élevé provoquera moins de tension au niveau du tendon d’Achille et des mollets qu'un drop faible. Dans le décours du traitement de problèmes de mollets ou de tendons d'Achille, reprendre le jogging avec des chaussures dont le drop est plus élevé peut donc s'avérer utile.


Pour les coureurs candidats à un changement de foulée, un drop plus faible facilitera le passage à une foulée plus antérieure. Pour autant, il n'est pas impossible d'avoir une foulée antérieure avec un drop élevé. 


Les chaussures les plus minimalistes (voir ci-desous) proposent un drop allant jusqu'à 0 mm.


Drop et performance ne sont pas forcément synoymes. Le dernier record du semi-marathon d'Abraham Kiptum à Valence en octobre 2018 a été réalisé avec des chaussures dont le drop est de 11 mm.


Un changement de drop trop rapide risque d'amener des pathologies au niveau des mollets et des tendons d'Achille. En effet plus le drop est faible, plus il y a de tensions dans le tendon d'Achille et le mollet. De plus il est probable qu'un changement de drop rapide entraîne chez beaucoup un passage rapide d'une foulée postérieure à une foulée antérieure, accentuant encore plus les sollicitation du tendon d'Achille et du mollet. Le choix délibéré ou non d'une diminution de drop à l'achat de nouvelles chaussures a tout intérêt à se faire très progressivement.

Qu'est-ce qui fait la rigidité de certaines chaussures?


La rigidité dépend des matériaux utilisés dans la chaussure. Des renforts peuvent être placé dans la semelle et la rendre plus ou moins rigide. Ces renforts dérivés du plastic se placent le plus souvent dans la partie médiane de la semelle, leur conférant une rigidité en empêchant les torsions entre l'arrière et l'avant-pied. On les retrouvera dans les chaussures dites anti-pronatrices.


On  retrouvera également des structures rigides dans la coque postérieure (contrefort) de la chaussure. Le but est d’augmenter la stabilité de l’arrière-pied.


On retrouve d’autres structures sous forme de languettes rigides (garants) dans le tissu de recouvrement de la chaussure.


Les chaussures plus souples et les chaussures minimalistes (voir plus bas) seront dépourvues de toutes ces structures rigides.


Ces structures plus rigides et donc plus "soutenantes" seront conseillées dans le décours d'un pathologie secondaire à un type de pied très laxe (on dit aussi pronateur). Mais a priori, s'il n'y a aucune pathologie, tout pied pronateur ne doit pas bénéficier préventivement d'une chaussure rigide ou anti-pronatrice.



MIZUNO  Wave Rider

Structure rigide jaune

ASICS - Gel Pulse 9

Structure rigide gris clair

          SALOMON S/LAB

Garants latéraux reliés au système de laçage

Le poids de la chaussure est-il un critère important ?


Le poids de la chaussure importe également. Les chaussures standard ont un poids de 250 à 350g. Certains modèles, de compétitions fleurtent avec les 100g voire moins.


Une chaussure très lourde aura le désavantage d’augmenter la fatigue musculaire sur les longues distances. Les études montrent que la consommation d'oxygène augmente de 0.7 à 1% par 100 grammes de chaussure. Si cela a peu d'importance sur les courses courtes, sur de très longues distances çà peut avoir un impact sur la performance.


La semelle


L' architecure de la semelle conférera plus ou moins de dynamisme à la chaussure. Nous l'avons vu des structures rigides peuvent être incluses dans la semelle. La façon dont la semelle est construite aura aussi un effet sur sa flexibilité ou sa rigidité. Différentes lignes de segmentation peuvent être incluses dans la semelle conférant une plus grande mobilité de la chaussure.


Dans la pratique du trail, la présence de crampons plus ou moins grands permettra la pratique sur des terrains glissants.



Segmentation variable de la semelle

Qu'est-ce qu'une chaussure minimaliste ?


L’index minimaliste de la chaussure est un concept mis au point par la clinique du coureur (Canada). Il  classe les chaussures en tenant compte de divers facteurs : flexibilité, poids, drop, technologies de rigidité intégrées et drop. A chacune de ces caractéristique se rapporte un chiffre. Au plus son indice minimaliste (somme des cotations des cinq caractéristiques)  se rapproche de 100/100, au plus la chaussure sera dite minimaliste. Il faut entendre par là une chaussure qui interfère le moins possible avec les mouvements naturels du pied. A l'inverse, une chaussure côtée 0/100 sera dite maximaliste.


A ce jour les études ne montrent pas très clairement l'avantage des chaussures minimalistes dans la prévention des blessures dûes au jogging. Cependant le choix d'une chaussure minimaliste tent à adopter un type de foulée plus antérieur (voir les types de foulées) qui, les études ont tendance à le montrer, provoquent moins de pathologies.


La transition vers une chaussure minimaliste doit cependant être progressif. Les spécialistes de la clinique du coureur préconisent un mois de transition par tranche de 10% de minimalisme supplémentaire. Ainsi si vous avez des chaussures côtées à 50% et que vous achetez des chaussures à 60% il vous faudra un mois pour abandonner totalement les premières et n'utiliser que les deuxièmes.


L'expérience clinique nous montre qu'une transition trop rapide amène énormément de pathologie des mollets, tendons d'Achille et de l'avant-pied.


Nous renvoyons le lecteur au site de la clinique du coureur où la plupart des chaussures du marché sont côtées.

La Clinique du Coureur°

Comment choisir mes chaussures ?


Devant tant de caractéristiques différentes et surtout face à ce nombre astronomique de modèles, comment choisir sa paire de chaussures?


Les études scientifiques montrent qu’il n’y a pas de rapport entre un type de chaussures et le développement d'une pathologie. Plus fort encore, des études menées aux Etats-Unis sur de futures recrues de l'armée ont montré que les jeunes soldats se blessent moins s'ils choississent eux-même leurs chaussures que s'ils suivent les conseils de vendeurs spécialistes de la chaussure de jogging ou de podologues.


Toujours selon ces études le fait d'être très pronateur n'oblige pas d'office de choisir des chaussures anti-pronatrice pour éviter les blessures. Le fait d'être en surpoids n'implique pas automatiquement des chaussures très amortissantes.On rappellera ici que le déclenchement d'une pathologie liée à la pratique du jogging est multifactorielle. Les scientifiques n'ont pas pu, à ce jour, isoler un facteur anatomique ou dynamique responsable d'une première pathologie.


On comprend donc, qu'en terme de chaussage, il n'y a pas de place pour la prévention primaire. Nul n'est besoin d'être conseillé pour l'achat de sa première paire de chaussures de jogging !


Il semble par contre utile de posséder deux types de chaussures à partir du moment où l'on s'entraîne plus de deux fois par semaine. Avoir deux types de chaussures implique des sollicitations anatomiques du pied et du corps différentes et donc, probablement moins de pathologies.


Cependant dans la prise en charge des pathologies, certaines caractéristiques de la chaussure  intéressent le professionnel de la santé. Ainsi un pied très pronateur qui développe des pathologies telles que la périostite tibiale, un syndrome rotulien douloureux, une tendinopathie d'Achille,... aura tout intérêt à choisir des chaussures plus rigides. Un coureur souffrant de tendinite d'Achille ou de problèmes récurrents du mollet bénéficiera d'une chaussure dont le drop est plus élevé. Un coureur à qui l'on conseille de passer en foulée antérieure pour des problèmes de genou ou de colonne lombaire devra progressivement utiliser une chaussure plus minimaliste. Un coureur en foulée très postérieure qui a fait une fracture de fatigue de fatigue du calcanéum, s'il ne peut pas passer en foulée davantage antérieure devra choisir plus d'amorti dans sa chaussure. 


On le voit, si le choix de la chaussure n'est pas important en prévention primaire, il en va tout autrement dans la prise en charge d'une pathologie. La grande diversité des caractéristiques des chaussures permet de conseiller les coureurs. A ce titre, la chaussure de jogging devient une des armes thérapeutiques avec la kinésithérapie et la préparation physique.


Pour plus d'informations sur les études scientifique dont on parle ici, nous invitons le lecteur à lire l'article de Julien Kleper et Chloé Verbois sur www.medical-athletics.eu