La pandémie du coronavirus a pour conséquence un confinement de la population dans nombre de pays. D’un pays à l’autre, les mesures de confinements sont plus ou moins sévères. Nous avons la chance, en Belgique, de pouvoir encore sortir à proximité de chez nous.
Avec la marche et le vélo, la course à pied est l’un des seuls sports encore praticables.
Avec le télétravail, le chômage technique, les horaires décalés, notre emploi du temps a donc bien changé. Le télétravail entraîne une augmentation de la durée de la position assise, pas toujours dans des postures idéales.
Comme nous avons la chance de pouvoir encore sortir, nous nous adonnons à la marche, au vélo et pour beaucoup, à la course à pied ! Si pour beaucoup de coureurs aguerris la course à pied n’a plus aucun secret, beaucoup débutent dans le domaine, qu’ils soient au départ de grands sédentaires ou des athlètes confirmés dans d’autres sports.
La course à pied a, à tort, toujours été considérée comme le sport le plus facile à pratiquer. Il suffit effectivement de chaussures, d’un peu de temps, d’un peu d’espace et de mettre un pied devant l’autre un peu ou beaucoup plus vite qu’en marchant.
Cependant, la course à pied, et particulièrement sur route, a la particularité de répéter des milliers de fois des sollicitations identiques sur certains segments du corps. Si ces segments ne sont pas préparés à ces sollicitations de façon régulière et progressive, ils se blessent.
Le corps humain est doté d’une grande capacité de plasticité. Autrement dit, il est capable de s’adapter à de nouvelles sollicitations, à tout âge, mais il faut lui laisser du temps. Se laisser du temps ! Voilà une notion à laquelle nous devons réfléchir en ces temps de crise sanitaire, sociale, écologique et économique.
Le stress mécanique que subit le corps doit donc être progressif et régulier pour que le corps s’adapte sans dommage à la course à pied. En clair courir trop vite trop rapidement, trop longtemps ou de façon totalement irrégulière peut être dommageable, ne pas respecter des phases de repos n'est pas non plus idéal..
Les études concordent à dire que plus de 80 % des pathologies du jogging sont liées à une mauvaise gestion de ce stress mécanique.
Régularité et progressivité, on ne répétera jamais assez sont les maîtres mots de la pratique saine de la course à pied.
Ces temps de confinement voient fleurir autant de pathologies du jogging qu’en temps normal. Le nombre de coureurs a probablement bien augmenté.
Voici le cas de trois coureurs qui illustrent à merveille ces propos :
Sabine (nom d'emprunt) a 59 ans, elle a toujours couru, participe chaque année aux 20 km de Bruxelles et fait généralement trois sorties de 10 km par semaine. Elle n’a jamais été blessée. En chômage technique elle dispose de beaucoup de temps. Dès le début du confinement, elle court six fois 10 km par semaine. Après trois semaines elle présente progressivement des douleurs au talon gauche lors de la course à pied, de plus en plus tôt dans sa course. La mise au point met en évidence une fracture de fatigue du calcanéum (os du talon).
Ziad (nom d'emprunt) a 40 ans ancien très marathonien, il a arrêté la course à pied il y a trois ans pour pratiquer la boxe et le yoga de façon intensive. Depuis le confinement il a repris ses entraînements « comme avant » : trois fois 15 km par semaine. A près trois semaines il se plaint de douleurs de la face interne du genou de plus en plus tôt lors de ses sorties jogging. Il présente une fracture de fatigue du plateau tibial interne.
A 41 ans, René (nom d'emprunt)) est spécialiste des trails et ultra trails. Chaque semaine et chaque weekend il enchaîne les kilomètres par monts et par vaux. Habitant une grande ville et ne pouvant s’en échapper il a poursuivi ses entraînements sur route. Son pied gauche a commencé à faire mal. Ces foulées mille fois répétées sur ce sol régulier ont eu raison du tendon fléchisseur de son gros orteil.
Voici donc trois sportifs confirmés coureurs ou ex-coureurs qui se blessent lors de la pratique d’un sport qu’ils connaissent bien. Ils ont tous en commun d’avoir augmenté la dose d’entraînement beaucoup trop vite. Sabine a doublé son volume d’entraînement d’une semaine à l’autre. Ziad n’avait plus couru depuis trois ans et s’adonnait à des sports dont les contraintes mécaniques sont bien différentes de celles du jogging. René, enfin, qui a pratiqué le même volume mais dans une régularité biomécanique à laquelle son organisme n’était pas prêt. En effet, qui dit trail dit rythmes variables, sols irréguliers, montées et descentes. Le jogging sur route est fait de milliers de répétitions du même mouvement. Le corps de René n’y était pas habitué.
Que dire de tous ces sportifs non joggeurs qui se sont mis à la course à pied. Bien que très sportifs dans leur branche, le jogging ne faisait pas partie de leur pratique physique. Les sédentaires qui débutent la course à pied sont mis à la même enseigne.
Qu’il s’agisse du coureur aguerri, du sportif de très bon niveau ou du sédentaire, la gestion du stress mécanique, autrement dit la progressivité et la régularité de l’entraînement est une chose capitale pour éviter les blessures.
On ne s’improvise pas coureur à pied où, pour être plus précis, on peut s’improviser coureur à pied mais sans brûler les étapes.
Chi va piano va sano e lontano !
Selon le temps dont l’on dispose, on organisera ses débuts dans le jogging par une à trois sorties par semaines faites, au départ, d’une alternance de marche et de course lente. La partie course prenant progressivement l’ascendant sur la partie marche. D’une semaine à l’autre on augmentera soit la durée soit l’intensité de la sortie de 10 à 20% selon ses sensations.
Il existe quantité de programmes disponibles sur les réseaux sociaux. Quantités de coaches sont également disposés à nous aider.
Concrètement comment savoir si mon entraînement est trop fort ?
Le corps va nous donner trois signaux. Le plus important est la douleur. Qu’elle survienne pendant ou après la pratique, elle doit interpeller. Grosso modo, on peut dire qu’une douleur légère (2 à 3/10 sur une échelle de 10) pendant ou après la course est acceptable pour autant qu’elle n’impose pas le schéma de course. Cette douleur doit avoir disparu dans les deux à trois heures qui suivent l’effort. Ce type de douleur peut être, dans la majorité des cas considérée comme une adaptation du corps à de nouvelles sollicitations. En aucun cas, on ne fera une sortie jogging sur des douleurs persistantes de la sortie précédente.
Deuxième signe, la raideur systématique d’une articulation le lendemain d’un entraînement. Elle signe généralement un début de tendinite ou une lésion articulaire.
Enfin, troisième signe, le gonflement. Il signe un œdème inflammatoire soit d’une articulation ou d’un tendon.
La présence de ces deux derniers signes demande un avis spécialisé.
A vos chaussures, donc ! Mais régulièrement et progressivement.
_______________________________________________________________
British Journal of sports medicine (BJSM)
By Kevin Maggs (T: @RunningReform)