Le jogging et articulations

Le jogging n'est pas mauvais pour les articulations  

Dr Hervé AUQUIER / Mr Anh Phong NGUYEN

Running Solutions en collaboration avec La Clinique Du Coureur a invité ce 16 mars 2022 Jean-François Esculier à une conférence tout public sur l’impact de la course à pied sur les articulations.


C’est l’occasion de déconstruire un mythe malheureusement relayé par beaucoup de personnes dont des professionnels de la santé.


Les effets de la course à pied à court terme sur les cartilages.


JF Esculier de La Clinique Du Coureur (Canada) et ses collaborateurs ont réalisé et publié l’année dernière une revue systématique de la littérature scientifique sur l’effet de la course à pied sur les articulations (1). Les études sélectionnées ont analysé l’effet de la course à pied sur la structure du cartilage, son épaisseur et sa composition. C’est à l’aide de techniques modernes d’imagerie par résonnance magnétique que les effets de la course à pied sur les articulations ont été étudiés. Ces techniques, outre la possibilité de mesurer l’épaisseur du cartilage, permettent également d’apprécier sa composition, sa teneur en eau, en collagène et éléments constitutionnels. Bref, des éléments représentatifs de la santé de l’articulation. Les différentes études retenues dans cette grande revue systématique ont comparé le cartilage du genou (39 études), de la cheville (3 études) et du pied (1 étude), avant la course à pied et après la course à pied dans une population comprenant 760 coureurs.


Il en ressort que directement après une épreuve de course, l’épaisseur du cartilage diminue, sa concentration en eau diminue et inversement, sa concentration en glucosaminoglycan (un de ses composants) augmente. Ces changements sont secondaires à un flux d’eau en dehors du cartilage. Cette modification ne dure pas dans le temps, ainsi la majorité des études montre un retour à la norme après 24h. Le flux d’eau s’inversant. Ce qui montre une adaptabilité rapide du cartilage à la charge induite par une course à pied.


Les effets à long terme de la course à pied sur les cartilages.


Il semble y avoir une relation dose dépendante entre la pratique de la course à pied et les lésions d’arthrose. Ainsi une étude de 2017 (2) a montré que seulement 3.5% des coureurs amateurs développent de l’arthrose au niveau du genou et de la hanche contre 10.5 % chez les sédentaires. Par contre ce chiffre monte à 13.3 % chez les coureurs professionnels de niveau international.


La course à pied semble donc bel et bien favorable à la santé de nos articulations. Cependant il existe un seuil au-delà duquel la course devient potentiellement délétère pour les articulations. Ce seuil est subjectif mais semble être lié au contexte de la pratique du sport. C’est-à-dire qu’un athlète compétitif est plus souvent amené à devoir maintenir ses entrainements ou participer à des compétitions avec des gênes, des douleurs ou même une blessure. A l’inverse, un coureur qui se permet de modifier ses entraînements et/ou ses compétitions afin d’adapter l’effort à ses gênes, dans l’objectif d’éviter ou soigner des douleurs et/ou blessures, semble adopter un comportement plus protecteur.


Les effets de la course à pied sur les lésions cartilagineuses préexistantes.


Un crainte souvent rapportée par les coureurs ou surtout leur encadrement médical est que la course à pied peut aggraver des lésions d’arthrose préexistantes. A nouveau cela semble relever du mythe. Une étude de 2018 (3) a montré que la course à pied n’augmente pas la progression d’arthrose de genou de coureurs de plus de 50 ans sur une période de quatre ans. Par contre, il semble que le cartilage d’un genou arthrosique met plus de temps à « récupérer » que le cartilage d’un genou sain après la course (4). Ce qui signifie qu’en cas d’arthrose, il faut laisser plus de temps à l’articulation pour se remettre d’une course à pied et donc espacer davantage deux sorties que chez un coureur sans arthrose. Ce temps pourra être mis à profit pour pratiquer une autre activité qui travaille l’endurance et surtout la force musculaire en sollicitant moins les cartilage comme la natation ou le vélo. La force musculaire acquise lors de ces deux activités sera utile pour la course à pied, c’est ce que l’on appelle des entraînements croisés.

 

Quels sont les facteurs de risque d'aggravation d'une articulation pour le coureur


Si l’on doit retenir un facteur lié à la course susceptible d’entraîner des dommages articulaires, c’est probablement une charge d’entraînement non appropriée aux capacités de récupération. Avec ou sans arthrose, c’est donc le volume et l’intensité de la course à pied qu’il faut gérer correctement.


Il ne faut cependant pas perdre de vue que l’arthrose est conditionnée génétiquement et par d’autres facteurs de risques comme l’âge, le poids, des activités physiques ou professionnelles lourdes et des antécédents de blessures du membre inférieur (2).


Quelle est la bonne dose de course ?


Le bon dosage de la course à pied doit être individualisé. Idéalement, le coureur choisira de suivre une planification qui permettra d’avoir une progression qui préviendra les blessures mais également d’optimiser l’entrainement en terme de variation ou de performance. Néanmoins, il n’est pas obligé de courir pour gagner des médailles.

Quelle pourrait être le bon dosage pour un coureur de tous les jours ? Pour elle ou lui, le meilleur indice sera les symptômes ! En effet, le principal facteur de limitation de la course étant la blessure, des symptômes (des signes) pourront apparaitre durant la pratique de la course à pied. Une douleur durant la course qui ne modifie pas la qualité ni la quantité de l’entrainement est acceptable pour autant qu’elle disparaisse dans l’heure qui suit l’arrêt de l’entraînement. Cette douleur durant l’activité est souvent autorisée par les professionnels de la santé et du sport si elle ne dépasse pas 2-3/10 (si 0 est pas de douleur et 10 représente la pire douleur du monde). Si la douleur persiste plus d’une heure après l’entrainement, il est préférable de modifier le programme et si la douleur persiste encore, il est conseillé d’y prêter une plus forte attention (demander conseils à un coach, kinésithérapeute ou médecin). Outre la douleur, une réfléxion similaire pourra se faire avec une sensation de raideur dans les articulations ou les tendons !


En résumé :


La course à pied n’est PAS mauvaise pour les genoux, elle serait même BENEFIQUE pour le cartilage J et ce, même pour les genoux qui souffrent déjà d’arthrose (ralentissement des facteurs de la maladie et amélioration de la douleur et de la fonction des articulations).


Il est important pour le coureur de bien s’écouter et surtout écouter son corps durant la pratique de la course à pied ! Au besoin, il ne doit pas hésiter à demander conseils à un professionnel de la santé ou du sport.


Bibliographie


  • Khan MCM, O'Donovan J, Charlton JM, Roy JS, Hunt MA, Esculier JF. The Influence of Running on Lower Limb Cartilage: A Systematic Review and Meta-analysis. Sports Med. 2022 Jan;52(1):55-74. doi: 10.1007/s40279-021-01533-7. Epub 2021 Sep 3. PMID: 34478109.

 

  • Alentorn-Geli E , Samuelsson K , Musahl V , et al. The association of recreational and competitive running with hip and knee osteoarthritis: a systematic review and meta-analysis. J Orthop Sports Phys Ther 2017;47:373 90.doi:10.2519/jospt.2017.7137 pmid:http://www.ncbi.nlm.nih.gov/pubmed/28504066

 

  • Lo GH , Musa SM , Driban JB , et al. Running does not increase symptoms or structural progression in people with knee osteoarthritis: data from the osteoarthritis initiative. Clin Rheumatol 2018;37:2497–504.doi:10.1007/s10067-018-4121-3 pmid:http://www.ncbi.nlm.nih.gov/pubmed/29728929

 

  • Esculier J-F , Jarrett M , Krowchuk NM , et al. Cartilage recovery in runners with and without knee osteoarthritis: a pilot study. Knee 2019;26:1049–57.doi:10.1016/j.knee.2019.07.011 pmid:http://www.ncbi.nlm.nih.gov/pubmed/31434630