La pronation est un mouvement naturel du pied lors du déroulé du pas pendant la marche et la course à pied. Il est nécessaire au rôle d’amortisseur que joue le pied.
Le terme a depuis longtemps été surexploité et a fait les choux gras de l’industrie de la chaussure de jogging. On a depuis longtemps donné à l’excès pronation une importance totalement injustifiée. On en a fait une cause importante de pathologies du jogging et on l’a pourchassée, comme une sorcière au moyen-âge, à coup de chaussures rigides ou de semelles correctrices. On verra que la réalité scientifique est tout autre.
Qu'est-ce que la pronation, ?
Grosso modo on peut dire que le mouvement de pronation est le mouvement au cours duquel le pied « s’étale sur le sol » comme un amortisseur lors de l’impact d’une charge au sol. Il emmagasine de l’énergie qui sera restituée par la suite grâce à la contraction des muscles intrinsèques et extrinsèques du pied.
Le mouvement de pronation est un ensemble de trois mouvements, à savoir : 1/ une flexion dorsale du pied, mouvement qui se produit dans la cheville. 2/ une abduction, mouvement d’écartement latéral du pied qui a lieu dans les articulations du médio-pied, et 3/ une éversion, ou bascule externe du talon, qui a lieu dans l’articulation sous-talienne (entre cheville et os du talon). Rappelons que la pronation est bien d’un mouvement normal et non d’une pathologie.
Qu'est-ce que la pronation excessive et quelles en sont les conséquences ?
On parlera de pronation tardive ou excessive lorsque ce mouvement est excessif. Il peut être excessif de trois façons : Soit il dure trop longtemps, soit son intensité (pression) est trop forte, soit l’amplitude des mouvements est trop grande. Il s’agit le plus souvent des trois en même temps.
Lors de ce mouvement excessif de pronation, l’appui du pied au sol dure plus longtemps. Il entraîne dans son sillage le tibia en rotation interne. Théoriquement cet appui prolongé pourrait être à l’origine d’un surcroît de pression au niveau des os du tarse et du métatarse et provoquer des fractures de fatigue. La rotation interne du tibia pourrait, quant à elle, entraîner des rotations au niveau du système suro-achiléo-plantaire et provoquer des inflammations de l’aponévrose plantaire et des tendinopathies. Les tensions excessives sur les tendons rétro-malléolaires internes pourraient provoquer tendinopathies et périostites. Enfin, l’appareil extenseur du genou lui aussi tributaire des rotations tibiales pourrait avoir pour conséquences d’une pronation excessive diverses pathologies telles un syndrome rotulien douloureux, un syndrome de la bandelette ilio-tibiale et des tendinopathies quadricipitales et rotuliennes. Mais tout cela n'est que supposition.
Qu'en est-il en réalité ?
A ce jour très peu d’études ont montré que la pronation excessive est responsable de pathologies chez les coureurs.
Okonuki et al. (2019) ont montré que les coureurs atteints de périostite ont une plus grande éversion de l’arrière-pied et une plus grande abduction de l’avant-pied.
En 2014, Neal et al. avaient montré dans une revue systématique qu’il existe une relation fortement évidente entre pronation excessive et périostite, une relation faiblement évidente entre pronation excessive et syndrome rotulien douloureux et pas de relation entre pronation excessive et les autres pathologies du pied et de la cheville.
Becker, en 2017 a montré que les coureurs atteints de périostite et de tendinopathies d’Achille présentent une durée de pronation plus importante et une éversion plus grande de l’arrière-pied.
O’Neill quant a lui, a montré dans une méta-analyse en 2016 que la pronation excessive est seulement la dixième cause de tendinopathie d’Achille chez les sportifs.
Dans une revue systématique de 2019, Vanderlist relate que la posture du pied n’est qu’un facteur accessoire dans le déclenchement des tendinopathies d’Achille.
Barton, qui a beaucoup étudié la relation entre pronation excessive et syndrome rotulien douloureux, rapporte que les coureurs atteints de SFP ont un pied plus prône que les coureurs sains.
Dans une revue systématique et méta-analyse récente (2022) Peterssen & Al. ne font pas de lien entre la chute du naviculaire ou le pic d'éversion de l'arrière-pied et les pathologies de la course à pied
On retiendra donc qu’à ce jour il n'existe pas de lien clair entre pronation excessive et pathologies de la course à pied. Tout au plus un faible lien a-t-il été évoqué avec la périostite tibiale.
Il semble donc inutile de dépister les coureurs pronateurs en vue de faire de la prévention primaire. Cependant, étant donné que la blessure en course à pied est multifactorielle, si un facteur pris isolément chez un individu montre une très faible association à la blessure on peut imaginer que plusieurs facteurs chez un individu à un moment donné peuvent être associés à la blessure.
Chez le coureur blessé il sera donc utile de recherche la pronation excessive.
Comment apprécier la pronation excessive en cabinet ?
En cabinet, et sans instrument, on retiendra deux façons d’observer la pronation excessive.
1/ Le Navicular drop ou chute du naviculaire, consiste à mesurer le déplacement vers le bas du naviculaire entre la position pied au sol, patient assis et la position pied au sol en appui et en charge (patient debout). On considère qu’une pronation normale s’accompagne d’une chute du naviculaire qui va jusque 6.7 mm, au-delà, on parle de pronation excessive.
Pour mieux comprendre le navicular drop, nous invitons le lecteur à regarder la vidéo suivante :
https://www.youtube.com/watch?v=BejuNMmD7-Y
2/ Une deuxième façon d’apprécier la pronation excessive est de réaliser le FPI-6 ou foot posture index -6. Le test consiste à examiner 6 caractéristiques du pied en charge et de coter chaque caractéristique entre -2 (supinateur) 0 (neutre) et +2 (pronateur).
Ces caractéristiques sont :
Pour mieur comprendre le FPI-6, nous invitons le lecteur à regarder la vidéo suivante :
https://www.youtube.com/watch?v=heyYTsG9c7g
3/ L’observation de la marche pieds nus en cabinet complètera l’examen de la pronation.
Faut-il traiter la pronation ?
Chercher et traiter préventivement la pronation n’a pas tellement d’intérêt. Par contre chez un coureur blessé, il est intéressant de la rechercher et la traiter. Pourquoi ? On le sait, la survenue d’une pathologie chez un coureur est multifactorielle. C’est surtout la programmation du l’entraînement ou plutôt sa mauvaise programmation qui est responsable de bien des pathologies. L’état de fatigue ou de stress du patient est une autre cause. Plusieurs caractéristiques anatomiques ou cinématiques peuvent également être responsables de pathologies. Ainsi, beaucoup de coureurs hyper-pronateurs ne développent jamais de pathologies. Probablement que chez eux, cette caractéristique, à priori défavorable, est contre balancée par d’autres caractéristiques favorables. Rappelons l’adage universel dont beaucoup de professionnels de la santé devraient se souvenir : Un pied normal est un pied qui ne fait pas mal !
S'il n'est donc pas utile de dépister la pronation excessive chez un coureur non blessé, par contre, chez un coureur blessé, on recherchera l’excès de pronation comme on cherchera tous les facteurs susceptibles d’accompagner une pathologie. Le traitement de la pronation sera une des armes du thérapeute.
Comment traiter la pronation ?
La laxité importante du pied pronateur pourra être contre carrée par le renforcement des muscles intrinsèques du pied. C’est ce que l’on appelle le gainage du pied. Notion mise au point par François Fourchet. Outre le renforcement des muscles intrinsèques, stabilisateurs, on s’attachera au renforcement des muscles extrinsèques, propulseurs. Nous invitons le lecteur à lire l’article sur le gainage du pied ainsi que les vidéos qui s'y rapportent.
Si le gainage du pied ne suffit pas ou ne donne pas de résultat, le soutien du médio-pied, parfois provisoirement par une semelle fonctionnelle peut être indiqué. Le conseil de chaussage est également un élément qui peut entrer en ligne de compte après le gainage.
Sources :
Okunuki & Al. 2019 : Forefoot and hindfoot kinematics in subjects with medial tibial stress syndrome during walking and running. J Orthop Res. 2019 Apr;37(4):927-932. doi: 10.1002/jor.24223. Epub 2019 Feb 12.
Neal, Barton & Al. 2014 : Foot posture as a risk factor for lower limb overuse injury: a systematic review and meta-analysis. J Foot Ankle Res. 2014 Dec 19;7(1):55. doi: 10.1186/s13047-014-0055-4. eCollection 2014.
Becker & Al. 2017 : Biomechanical Factors Associated With Achilles Tendinopathy and Medial Tibial Stress Syndrome in Runners. Am J Sports Med. 2017 Sep;45(11):2614-2621. doi: 10.1177/0363546517708193. Epub 2017 Jun 5.
O’Neill & al. 2016 : A Delphi study of risk factors for Achilles tendinopathy- Opinions of world tendon experts. Int J Sports Phys Ther. 2016 Oct;11(5):684-697. Free Full text : https://www.ncbi.nlm.nih.gov/pmc/articles/PMC5046962/
Vandervlist & Al. 2019 : Clinical risk factors for Achilles tendinopathy: a systematic review Br J Sports Med. 2019 Nov;53(21):1352-1361. doi: 10.1136/bjsports-2018-099991. Epub 2019 Feb 4.
Free full text : https://www.ncbi.nlm.nih.gov/pmc/articles/PMC6837257/
Peterson B, Hawke F, Spink M, Sadler S, Hawes M, Callister R, Chuter V. Biomechanical and Musculoskeletal Measurements as Risk Factors for Running-Related Injury in Non-elite Runners: A Systematic Review and Meta-analysis of Prospective Studies. Sports Med Open. 2022 Mar 7;8(1):38. doi: 10.1186/s40798-022-00416-z. PMID: 35254562; PMCID: PMC8901814.